Marque engagée ou marque opportuniste ?

La mise en œuvre d’une démarche RSE est aujourd’hui devenu une initiative incontournable pour la majorité des grandes entreprises alimentaires.

Face aux défis environnementaux et sociaux, face à l’exigence des consommateurs d’avoir accès à des produits plus sains et moins transformés et à des marques qui répondent à leurs valeurs, un grand nombre d’industriels ont pris conscience de la nécessité de se réinventer et de renforcer la proposition de valeur de leurs marques.

Le rythme des initiatives pour améliorer la composition des produits, pour lutter contre le réchauffement climatique, l’épuisement des sols, pour favoriser le bien-être animal ou le commerce équitable est plus que soutenu.

Cet effort doit être reconnu et valorisé car il est vital face aux enjeux planétaires.

Cependant, entre engagement sincère et opportunisme la ligne de démarcation est étroite. En effet certains acteurs du secteur utilisent parfois les engagements RSE de façon opportuniste pour permettre à leurs marques de développer un avantage compétitif et de gagner des parts de marché.

Si aujourd’hui plus de 50% des consommateurs Français déclarent privilégier les marques « engagées », savoir identifier celles, véritablement « responsables », leur semble mission impossible.

Comment devenir une marque sincèrement « engagée », inspirer confiance et être crédibles ? Comment ne pas tomber dans le piège de l’opportunisme ?

Dans cet article de blog, je présenterai quelques pistes pour pouvoir s’y retrouver et aller dans le bon sens.

 

La RSE : une démarche incontournable

La responsabilité sociale ou sociétale des entreprises, définie par la commission européenne comme l’intégration volontaire des préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales, est devenue aujourd’hui une démarche nécessaire et incontournable pour toute entreprise de l’agroalimentaire.

Une démarche incontournable pour répondre aux attentes des consommateurs :

Non seulement les consommateurs sont aujourd’hui beaucoup plus exigeants dans leurs choix alimentaires et privilégient les produits plus équilibrés et moins transformés, ils ont également des fortes attentes vis-à-vis des marques et demandent à ce que celles-ci soient porteuses de sens et d’engagement.

Selon une étude récente de Kantar, 55% des consommateurs Français déclarent privilégier les marques « engagées » et 43% d’entre eux estiment que ce sont elles qui pourraient avoir le plus d’impact pour lutter contre les dommages environnementaux.

Une démarche incontournable pour faire face aux enjeux planétaires

Toute entreprise alimentaire doit prendre conscience également qu’elle a un rôle à jouer pour faire face aux grands enjeux planétaires

  • Comment arriver à nourrir d’ici 30 ans une population mondiale qui va atteindre les 10 milliards d’individus ?
  • Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation qui aujourd’hui représentent 20% des émissions totales en sachant qu’elles vont augmenter de 46% en 2050 du fait de l’explosion démographique ?
  • Comment aider les producteurs à augmenter le rendement des terres agricoles sans épuiser les sols et en limitant l’usage d’engrais chimiques et pesticides néfastes pour la santé et les écosystèmes ?
  • Comment lutter contre le surpoids et l’obésité quand aujourd’hui 40% de la population mondiale est en surpoids et que 20% des décès chez les adultes peuvent être attribués aux risques liés à l’alimentation ?
  • Comment lutter également contre la malnutrition en sachant que 700 millions de personnes restent sous-alimentées ?
  • Comment lutter contre le gaspillage alimentaire ?

Dans ce contexte, toute entreprise alimentaire, pour rester compétitive, se doit de mettre en œuvre une démarche RSE.

 

Les défis des industriels et la tentation de l’opportunisme

Cependant « s’engager » comporte des risques et des contraintes.

Cette transformation alimentaire implique tout d’abord des investissements importants pour les industriels. Produire de façon plus durable implique un certain nombre de changements dans les méthodes de production et dans les équipements industriels et des investissements substantiels en R&D.

La reformulation des produits n’est pas une tâche toujours aisée. Réduire le nombre d’ingrédients et en particulier les additifs engendre très souvent une augmentation des coûts car les alternatives « naturelles » pour donner de la texture, de la couleur au produit ou lui permettre d’avoir une durée de vie acceptable, sont souvent plus chères que les solutions de synthèse. Or ces coûts ne peuvent pas toujours être transférés dans le prix de vente du produit, les consommateurs n’étant pas disposés à dépenser plus, surtout en période inflationniste.

Ces évolutions peuvent avoir également des impacts dans les caractéristiques organoleptiques des produits :  produits qui ont moins de couleur, ou se conservent moins longtemps ou ont moins de goût. Or ces compromis ne sont pas acceptables. Non seulement les consommateurs ne sont pas prêts à changer leurs habitudes de consommation mais ils attendent de tout produit alimentaire qu’il soit bon, gustatif et d’apparence attractive.

En ce qui concerne l’origine des ingrédients, les industriels sont obligés de répondre à la demande toujours croissante pour du local. Il faut savoir que 80% des consommateurs français privilégient les produits « made in France » et que ce critère est maintenant devenu prioritaire dans leur décision d’achat. Or pour beaucoup d’industriels leurs stratégies d’approvisionnement globales, leurs usines et capacités de production ne sont pas adaptées pour répondre à ces nouvelles exigences.

Ce grand nombre de défis pousse un certain nombre d’acteurs du secteur à ne faire qu’une partie du chemin et à opter pour des solutions de « compromis ».

Je citerais ci-dessous quelques exemples de pratiques opportunistes :

Des engagements partiels

Certaines marques ont un portefeuille produit étendu et se permettent par conséquent de mettre en avant un certain nombre d’engagements qui s’appliquent seulement à une partie de la ligne. Ainsi sous une même marque de charcuterie, on retrouve des produits Bio et d’autres non, des produits fabriqués en France et d’autres dont l’origine exacte n’est pas indiquée, des produits provenant de porcs élevés sans antibiotiques et d’autres pour lesquels l’alimentation des porcins ne semble pas être une préoccupation.

Comment une marque peut-elle être « engagée partiellement » ? Si le caractère Bio ou l’alimentation animale sont des critères considérés comme importants par la marque alors ces critères doivent être déclinés sur le portefeuille dans son ensemble pour que ces engagements soient considérés comme « sincères ».

Un manque de transparence dans les informations

Une autre des tentations « opportunistes » est celle d’omettre volontairement certaines informations comme par exemple l’origine des ingrédients. Certaines marques par exemple mettent en avant une fabrication française en affichant sur le packaging l’icône du pays, sans préciser que les ingrédients viennent de l’étranger. Cette pratique assez répandue a été montrée du doigt par l’organisation Foodwatch et une réglementation est en cours pour éviter ce manque de transparence.

Des incohérences

Enfin on trouve un certain nombre d’incohérences qui portent préjudice à la sincérité des engagements. Ainsi une marque qui se préoccupe de son impact environnemental et fait de grands efforts pour avoir un packaging plus durable doit veiller aussi au sourcing de ses ingrédients. Comment peut-on assurer que l’on se préoccupe de la protection de la planète quand les principaux ingrédients du produit sont importés du Brésil ou de Chine en cargos qui polluent les mers ?

Ces différentes pratiques portent atteinte à la crédibilité de la marque et font que les engagements dans leur ensemble soient perçus comme peu sincères.

 

Des consommateurs qui ont une confiance limitée dans les engagements des marques

Selon l’étude « Sustainable Brands : Les Français et les marques, une relation durable ? » d’infopro Digital Etudes pour Imediacenter et LSA réalisée en mars 2022 ,

  • 70% des Français n’arrivent pas à citer spontanément une marque qu’ils qualifieraient de responsable et ce taux progresse de 6 points par rapport à la même étude réalisée en 2021. Parmi les marques citées spontanément on trouve Biocoop (5% des interviewés), suivie par Leclerc et Danone (4% des sondés)
  • 7 Français sur 10 trouvent qu’il est difficile de reconnaître une marque responsable
  • 64% des sondés disent ne pas faire confiance aux marques pour communiquer de manière honnête et transparente sur leurs engagements et responsabilités (+4 points vs 2020)
  • 73% des Français trouvent que les marques n’informent pas assez sur leurs engagements

Etude LSA marques responsables

 

Cette étude montre que pour que leurs engagements soient crédibles, les marques doivent mettre en avant une information authentique, concrète et surtout transparente.

 

Comment devenir une marque « sincèrement » engagée et crédible ?

Définir les engagements de la marque est un processus qui ne doit pas être pris à la légère. Je citerais ci-dessous les étapes qui me semblent nécessaires pour construire une marque « sincèrement » engagée :

Adopter des engagements qui font du sens pour la marque

Le point de départ d’une stratégie d’engagement de marque est de se pencher sur la stratégie RSE de l’entreprise.

Un grand nombre de groupes alimentaires ont défini leurs engagements à long terme comme : la nutrition et la santé des individus, la neutralité carbone, la lutte contre la déforestation, la gestion de l’eau etc.

Cependant ces engagements ne sont pas toujours transparents pour les consommateurs et sont peu vérifiables.

La première mission est donc de comprendre quels sont les engagements corporatifs qui font du sens pour la marque en fonction de son histoire, de ses valeurs et surtout de sa raison d’être et de rendre ces engagements plus concrets et compréhensibles pour le consommateur.

S’engager dans le long terme

Les engagements doivent refléter la vision et les croyances à long terme de la marque et ne peuvent pas changer d’une année sur l’autre. Pour que les consommateurs puissent trouver crédibles les actions RSE d’une marque, il faut que celle-ci s’engage dans le long terme et communique régulièrement sur les progrès réalisés et les objectifs atteints.

De même, ces engagements doivent être déclinés sur le portefeuille produit dans son ensemble. Ils ne peuvent pas être partiels car sinon ils perdent en crédibilité.

Avoir une démarche transparente et cohérente

Une pratique qu’il faut tout à fait éviter est celle de l’opacité en ne divulguant pas certaines informations ou en essayant d’induire le consommateur en erreur. Pour qu’une marque soit crédible il faut qu’elle soit totalement transparente et mette en avant toutes les informations permettant d’éclairer la voie des consommateurs.

De même avant de définir un quelconque engagement pour la marque, il faut s’assurer que tant les caractéristiques des produits, leur composition, leur processus de fabrication comme leur stratégie d’approvisionnement ne rentrent pas en contradiction avec l’engagement mis en avant. Si une marque milite par exemple pour l’alimentation biologique, il faut qu’elle s’assure que les produits commercialisés soient le moins transformés possible en limitant les additifs. Avoir une démarche cohérente est une condition essentielle pour construire la crédibilité d’une marque.

Informer et donner des preuves des engagements mis en avant

Enfin, pour rendre les engagements crédibles et compréhensibles, les marques doivent maintenir une communication fréquente, basée sur des faits objectifs en mettant en avant des actions concrètes.

Pour aller plus loin et renforcer la crédibilité de ses engagements, la marque doit amener des preuves concrètes des actions entreprises. Mettre en place une blockchain alimentaire permettant au consommateur de suivre la traçabilité du produit peut être une solution à envisager.

 

Conclusion

Utiliser la RSE comme un outil marketing pour construire une proposition de valeur plus forte n’est pas une pratique erronée tant que les engagements sont sincères et reflètent les croyances et valeurs de la marque. Ces engagements doivent être pris de façon responsable en sachant qu’ils vont impacter les actions de la marque dans le long terme.

La mise en place d’une politique RSE solide va exiger des compromis et des sacrifices. Il sera nécessaire de remettre à plat le modus operandi de l’entreprise, de se réorganiser et de faire des investissements importants.

Mais cette transformation est indispensable pour répondre aux grands enjeux auxquels l’industrie alimentaire est confrontée et pour répondre aux attentes de la société.

A terme ce seront les entreprises qui auront mis en place des engagements « sincères » qui seront les grandes gagnantes et qui participeront au monde de demain.

 

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