Transparence alimentaire : trop d’informations tue l’information

Plus que jamais, les consommateurs veulent être informés, connaître l’impact de leurs choix alimentaires sur leur santé, sur l’environnement et la planète. Ils veulent faire des choix raisonnés. Face à ces attentes qui se complexifient de jour en jour, de nombreuses solutions poussées par les pouvoirs publics, des tiers de confiance, les associations de consommateurs, ont vu le jour pour mieux aider les consommateurs à décrypter l’information des produits industriels. Cependant si effectivement toutes ces alternatives partent d’un principe positif en voulant amener plus de clarté et de compréhension, n’y a t-il pas trop de solutions à la fois ?  Ne sommes-nous pas en train de générer plus de confusion et de rendre les choix des consommateurs plus difficiles ? Comment aller dans le sens d’une vraie transparence alimentaire ? Le besoin d’harmonisation des informations se fait sentir.

Dans cet article j’essayerai de faire un point sur les attentes les plus récentes des consommateurs français en termes de transparence alimentaire et sur la complexité des différentes solutions de guidage existantes. J’aimerais également mettre en avant quelques idées qui permettraient peut-être de simplifier le panorama et l’accès à l’information en facilitant la vie des consommateurs

La quête de transparence alimentaire s’intensifie

 

Dans mon livre « Le Marketing de la Transparence à l’ère du digital » paru aux Editions Panthéon en Juin 2021, j’avais déjà alerté sur le fait que face à l’épidémie du Covid, le besoin de transparence alimentaire déjà latent chez les consommateurs, allait s’intensifier : besoin d’emballages avec un étiquetage plus compréhensible, plus de transparence dans la traçabilité alimentaire, une demande croissante vers les produits locaux.

Depuis, un certain nombre d’études sont venues corroborer ces prédictions.

Une étude menée par le cabinet de conseil Vertone en collaboration avec Ifop auprès d’un panel de 1000 consommateurs représentatif de la population Française, montre que :

  • Pour 91% des Français, la santé est aujourd’hui devenu un critère rédhibitoire dans le choix des produits alimentaires presque au même niveau que le plaisir et le prix (94% des Français). Si effectivement les consommateurs recherchent des produits qui soient équilibrés nutritionnellement, ils sont également très attentifs au niveau de transformation du produit, et en particulier à la présence d’additifs controversés .

 

  • Un autre critère important dans l’acte d’achat (pour 86% des Français) et qui s’est intensifié suite à la crise du Covid est ce que le cabinet appelle « Le Made with France ». En privilégiant les produits fabriqués en France, les consommateurs ont non seulement des attentes de santé, de qualité et des attentes environnementales mais de plus ils veulent participer par ce choix à la reconstruction économique du pays.

 

  • Enfin un troisième critère influence l’acte d’achat de 56% des Français en particulier des plus jeunes : il s’agit de l’impact environnemental du produit. Si selon cette étude le Bio aujourd’hui s’est un peu banalisé et a une connotation de plus en plus industrialisée, d’autres éléments ont acquis de l’importance : les méthodes de production, la préservation des sols, la recyclabilité des emballages.

 

Une autre étude de LSA pour Avery Dennison publiée en Mars 2021 confirme ces attentes et montre également que les Français exigent plus de transparence. En effet 73% d’entre eux considèrent que les informations sont difficiles à trouver et malgré la présence des labels ou de nouvelles mentions, ils pensent que producteurs et distributeurs ne communiquent pas suffisamment.

« En 2021, sur quels points souhaiteriez-vous que les entreprises vendant des produits alimentaires concentrent leurs efforts ? », en % (Top 3 des réponses)

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Etude LSA pour Avery Dennison 03/2021

 

% des clients qui sont plus attentifs à ces informations depuis la crise sanitaire

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Etude LSA pour Avery Dennison – 03/2021

 

D’après vous, en règle générale, dans quelle mesure est-il facile de trouver ce type d’informations ?

Etude-LSA-Transparence-alimentaire

Etude LSA pour Avery Dennison – 03/2021

 

 

Des solutions de « guidage » nombreuses 

 

Aujourd’hui pour répondre à ce besoin de transparence, un certain nombre de solutions ont été mises en place par les pouvoirs publics, les associations de consommateurs ou des tiers de confiance (applications de notation).

  • En ce qui concerne l’évaluation de la qualité nutritionnelle des produits, le Nutri-Score fait office de référence. Mis en place par le gouvernement en 2016, il permet, quand il est présent sur l’emballage, de savoir en un clin d’œil si un aliment est bon nutritionnellement ou non. D’autres solutions ont fleuri depuis 2017. Les applications de notation comme Yuka (la plus connue) mais également Open Food Facts, Scan up, Scan eat, Eugene, Nutrition score, Buy or not, Spoonymix, My Label, Foodvisor, Kwalito ou Allergobox et d’autres, veulent aider les consommateurs à mieux décrypter l’étiquetage nutritionnel et vont parfois intégrer d’autres dimensions dans leur évaluation. Enfin les associations de consommateur comme UFC Que Choisir font des évaluations comparatives des produits qui peuvent être très utiles pour le consommateur.

 

  • Si celui-ci veut connaître le degré de transformation du produit, 2 indices présents dans un certain nombre d’applications vont leur donner un cadre de référence : l’indice Nova et l’indice Siga qui classent les produits de peu transformés à ultra-transformés. Il est un peu regrettable hélas qu’un grand nombre de produits industriels soient rapidement catalogués comme « ultra-transformés » à cause de la présence d’additifs sans qu’il n’y ait pas plus de granularité dans l’analyse. Certaines applications comme Yuka essayent d’affiner l’évaluation en indiquant les additifs qui ont fait l’objet de remises en question car potentiellement néfastes pour la santé.

 

  • Sur le thème de l’origine et de la qualité de l’aliment, la balle cette fois-ci est dans le camp des industriels qui sont seuls à pouvoir apporter plus de détails sur l’origine, et la fabrication de l’aliment. Certains fabricants ont eu recours à des solutions de traçabilité via la blockchain : technologie de stockage et de transmission d’informations qui permet de tracer tout le processus de fabrication et de distribution du produit en garantissant des hauts standards de transparence et de sécurité. D’autres font appel aux labels alimentaires qui sont nombreux comme l’appellation d’origine contrôlée (AOC), l’appellation d’origine protégée (AOP) et l’indication Géographique protégée (IGP) le label Rouge (label de qualité), les labels Bio (AB ou Bio Européen) et bien d’autres

 

  • Enfin concernant l’impact environnemental, de nouveaux scores ont vu le jour en 2021. L’eco- score établi par un collectif d’associations, d’applications (Yuka, Open Food facts)   et d’entreprises engagées calcule un score de référence par catégorie en se basant sur une analyse du cycle de vie (ACV) des produits. Le Planet-Score de l’ITAB (institut technique de l’agriculture biologique) soutenu par 27 industriels et enseignes propose, en plus de l’ACV, d’intégrer d’autres éléments dans l’analyse comme par exemple le mode d’élevage, les emissions d’ammonicac,  le type d’emballage ou l’usage des sols. A ces scores viennent s’ajouter les labels qui vont certifier que le produit est respectueux de l’environnement, du bien-être animal ou de la rémunération des producteurs : le label HVE (Haute valeur environnementale),  le label Bleu Blanc cœur, le label pêche durable ou encore le label Fairtrade/Max Havelaar et bien d’autres.

 

L’infographie ci-dessous présente de façon non exhaustive ces principales solutions qui cohabitent.

Les-solutions-de-guidage-alimentaire

 

 

Un parcours de détective pour un consommateur en quête de transparence alimentaire

 

Comment donc un consommateur peut-il s’y retrouver face à cette multitude de solutions de guidage ?

Le premier défi auquel il se confronte est celui d’apprendre à connaître les solutions qui se présentent à lui, les comprendre et avoir confiance dans leur méthode de calcul.

Et ce n’est pas une aventure facile car un certain nombre de solutions se retrouvent souvent critiquées ou remises en question. Je citerai ci-dessous quelques exemples :

  • Le Nutri-Score, qui est pourtant considéré comme la référence pour de nombreuses applications de scoring alimentaire, est critiqué pour son manque de précision. En effet, on lui reproche de ne pas tenir compte de la qualité des ingrédients, du niveau de transformation du produit ni de son mode de préparation. Ainsi des nuggets de poulet ultra transformés et composés de viande de mauvaise qualité peuvent se retrouver avec un bon score alors qu’ils ne vont pas fournir une source de protéine équilibrée. Le fait également que le nutri-score soit calculé sur une base de 100 gr porte préjudice à des catégories de produits comme les fromages ou les huiles, mal notés car trop gras alors que ces produits ne seront jamais consommés dans ces proportions.

 

  • L’Eco-score présent dans les applications tel Yuka et Open Food facts est également critiqué car ne donnant pas une information suffisamment précise de l’impact environnemental du produit. Le fait que le score soit calculé à partir d’un score de référence par catégorie finit par produire des notations relativement similaires entre produits d’une même catégorie. De même certains critiquent le fait que l’analyse de cycle de vie du produit (ACV) n’évalue pas certains aspects importants de l’impact environnemental comme la biodiversité et fertilité des sols, l’impact des pesticides ou le bien-être animal.

De même la confiance des consommateurs peut être mise à rude épreuve à cause d’erreurs dues à des bases de données produit peu fiables ou à cause des contradictions entre différentes solutions de Guidage. Ainsi un produit peut afficher un bon nutri-score sur l’emballage et pourtant se retrouver avec une mauvaise note dans Yuka.

Ensuite se présente le défi du manque de temps. Imaginez un consommateur qui aimerait savoir si le produit qu’il va consommer est nutritionnellement équilibré ou non, s’il contient des  pesticides, ou additifs controversés, quelle est sa provenance, son impact carbone ?, il faudrait qu’il s’informe sur la signification des différents labels (HVE, AOC, AOP ou autres) ou scores présents éventuellement sur l’emballage (Nutri-Score, planet-score etc) , qu’il puisse télécharger diverses applications et scanner le QR Code du produit pour obtenir de plus amples informations sur sa qualité, en espérant qu’il y ait du réseau dans le supermarché…. … un vrai casse-tête ! Et imaginez qu’il doive suivre le même processus pour tous les produits qui composent son panier d’achat ? Mission impossible !

Enfin il faut tenir compte de la pollution visuelle sur le packaging. Un certain nombre de produits se retrouvent avec une longue liste de messages de réassurance : « sans additifs » « sans colorants » « riches en fruits » en plus des scores alimentaires, des labels et de la description de l’origine de certains ingrédients.  La quantité excessive de messages « on pack », au lieu de faciliter la compréhension des bénéfices du produit peut au contraire finir par noyer le consommateur.

Alors comment aider les consommateurs à faire des choix raisonnés et en accord avec leurs valeurs. Comment faciliter leur quotidien et renforcer leur confiance dans l’industrie agroalimentaire ?

 

Vers une solution de guidage unique et certifiée ?

 

L’initiative lancée par Sébastien Loctin, fondateur et dirigeant de Biofuture : En vérité. est très intéressante et souligne ce besoin d’avoir un système de guidage unique.

En Vérité est un collectif de marques qui partagent une même ambition : permettre aux consommateurs de savoir ce qu’ils mangent. Ce collectif demande au législateur d’imposer à toutes les marques des règles de transparence communes : type d’agriculture, origine, additif, qualité nutritionnelle.

Sébastien Loctin explique les raisons d’être de ce collectif :

« Nous les marques, nous devons la vérité à nos consommateurs. C’est la clé de la confiance. … Nous pourrons ainsi être comparés sur des critères d’information justes et harmonisés. Nous resterons libres de produire comme nous le voulons à condition de le dire aux Français »

Cette initiative est selon moi, un pas en avant dans le sens d’une transparence alimentaire.

Mais comment mettre en place une solution de guidage unique ?

Je vous présente ci-dessous 2 ébauches de solution :

  1. La première consisterait à demander aux pouvoirs publics, comme le fait le collectif En vérité, la mise en place d’un affichage des informations produit harmonisé et unique qui serait plus complet : une sorte de Nutri-score augmenté qui tiendrait compte des critères qui aujourd’hui sont également importants pour le consommateur. Par exemple ce score pourrait être divisé en un score nutritionnel, un score niveau de transformation produit et un score environnemental (à définir ou à affiner). L’information sur l’origine des principaux ingrédients pourrait être indiquée sur le packaging (exemple : pommes, lait, sucre : origine France – pêches origine : Espagne). Cette alternative va effectivement dans le sens de ce que recherche le consommateur puisque selon l’étude réalisée par LSA pour Avery Dennison, 75% des Français aimeraient accéder aux informations en regardant l’emballage du produit. Cependant la place limitée disponible sur le packaging va exiger de condenser ces informations et ne permettra pas de donner au consommateur beaucoup de précisions.

 

  1. C’est pour cela qu’une autre alternative pourrait être envisagée : mettre en place une solution digitale fournie par un tiers de confiance qui aurait l’aval des pouvoirs publics. En recueillant les données produit dans une base de données renseignée par les industriels qui soit unique, complète et fiable comme celle par exemple de UniversAlim (de la plateforme Num-Alim), ce tiers de confiance pourrait donner accès via un QR code sur l’emballage à une web app qui fournirait toutes les données détaillées du produit sous une forme harmonisée. Cette solution pourrait fournir ainsi, en plus du scoring nutritionnel (Nutri-Score) et du scoring impact environnemental, plus de détails sur le niveau de transformation du produit, sur son lieu de fabrication et sur l’origine des principaux ingrédients. Ces dernières informations devraient être rendues obligatoires par un règlement INCO plus étendu qui inclurait une composante d’informations numériques obligatoire. Dans le futur, cette solution pourrait aller plus loin et offrir un scoring nutrtionnel qui tiendrait compte du profil alimentaire renseigné par le consommateur, en permettant ainsi de le guider vers une alimentation personnalisée.

Bien-entendu ce ne sont pour le moment que des approches qu’il faut creuser et évaluer.

Cependant il est clair que devant la cacophonie d’alternatives existantes, une solution de guidage unique et certifiée devient aujourd’hui indispensable pour éclairer la route des consommateurs et les aider à faire des choix raisonnés.

En leur donnant accès aux informations pertinentes sur la réalité produit, les entreprises agroalimentaires vont pouvoir établir de nouveaux liens de confiance avec leurs consommateurs.

C’est, je pense, le début d’une nouvelle ère qui va permettre d’aller dans le sens d’une vraie transparence alimentaire.

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