Comment le secteur des vins et spiritueux devient pionnier dans l’étiquetage digital

Et si le secteur des vins et spiritueux pouvait être une source d’inspiration pour l’industrie agro-alimentaire ?

Ce secteur est en effet pionnier en matière d’étiquetage digital suite au lancement en décembre 2021 d’une initiative tout à fait innovante, pilotée par le CEEV (Comité des entreprises Européennes de vins) et Spirits Europe , nommée U-label.

Dans mon article « Transparence alimentaire : trop d’informations tue l’information » , je montrais comment, dans le secteur alimentaire, le trop grand nombre de solutions de guidage (labels, scores, applications de notation) complexifie le parcours du consommateur. Une solution de guidage unique et certifiée serait un véritable atout pour les aider à faire des choix raisonnés.

C’est pourquoi la solution U-Label proposée par le secteur de vins et spiritueux a suscité ma curiosité et mon intérêt. J’ai donc voulu en savoir plus.

J’ai eu l’opportunité d’interviewer les pilotes de cette initiative : Ignacio Sanchez Recarte Secrétaire Général de la CEEV, qui en est l’initiateur et Ulrich Adam Directeur Général de Spirits Europe.

Ignacio-Sanchez-Recarte-et-Ulrich-Adam

 Vous trouverez ci-dessous des extraits de cet entretien :

U-Label : une solution d’étiquetage digital, harmonisée

 

CM : Merci beaucoup Ignacio et Ulrich de nous parler de votre initiative d’étiquetage digital U-Label et de répondre à mes questions. Tout d’abord pouvez-vous nous dire pour quelles raisons cette plateforme U-Label a été créée ?

ISR : Bien-sûr. Tout est parti de la volonté de rendre obligatoire des informations qui jusqu’à présent ne l’étaient pas dans l’étiquetage des boissons alcoolisées et qui sont : la liste d’ingrédients et la déclaration nutritionnelle du produit. La Commission nous a demandé de développer une proposition autorégulée.

Dans le cas du secteur des vins, à cause du grand nombre d’intervenants, il aurait été assez difficile de mettre en place un système volontaire de communication de ces informations dans un cadre juridique incertain. Par conséquent nous avons demandé aux autorités compétentes d’imposer une communication harmonisée pour tous.

UA : Dans le cas des Spiritueux, le secteur est très diversifié, mais un peu plus concentré que le secteur du vin. Les 12 principaux producteurs d’Europe représentent environ 50 % du marché. Par conséquent, nous étions convaincus que nous pouvions relativement facilement améliorer l’information à destination des consommateurs sur les spiritueux en nous appuyant sur un engagement d’autorégulation, le « Memorandum of Understanding » de 2019.

ISR : En Décembre 2021, la loi a été publiée. D’ici 2 ans, toutes les entreprises de vins et vins aromatisés devront déclarer les informations nutritionnelles et la liste d’ingrédients sur l’étiquette papier ou sur une étiquette digitale.

Nous nous sommes mis d’accord sur une solution commune d’étiquetage digital (e-label) car elle permettrait de ne pas devoir changer systématiquement les étiquettes tout en offrant la possibilité d’avoir une communication multilingue pour les consommateurs.

Cependant nous nous sommes rendus compte que si chaque entreprise devait créer son propre système d’étiquetage digital, cela risquait de leur coûter assez cher. De plus, nous courions le risque de nous retrouver avec diverses alternatives influencées par une approche marketing, et qui n’auraient pas été approuvées par les autorités de control. Nous avons décidé de développer un outil commun, en partie financé par le secteur, qui faciliterait l’interopérabilité des bases de données via GS1. Cet outil permettrait de faciliter la vie des intervenants en leur apportant des bénéfices additionnels.

CM : Quels sont ces bénéfices ?

ISR : Au-delà de la solution technologique, U-Label va fournir le cadre légal de communication en matière d’étiquetage digital et assurer la veille législative correspondante. De plus, cette solution offre une traduction automatique de l’étiquette dans les 24 langues de la Communauté Européenne. Le coût total pour une entreprise n’est pas excessif. Le plan de base revient à 150 euros par an !

CM : Quelles sont les exigences technologiques pour mettre en place cette solution ?

ISR : Nous avons fait appel à U-Label, une entreprise de technologie française qui travaillait déjà pour moi dans le développement de notre site web et qui s’occupait également du back office pour des entreprises du secteur bancaire. Les entreprises intéressées peuvent introduire les informations pertinentes grâce à un template qui va leur permettre de générer le QR code qu’ils pourront intégrer sur leurs étiquettes. Ce template permet d’assurer un certain degré d’harmonisation. La véracité des informations introduites reste cependant de la responsabilité de chaque entreprise.

CM : Et l’investissement ?

UA : En heures de travail et nuits blanches ? ☺

ISR : L’investissement total nous ne le connaissons pas car le secteur couvre une partie des coûts mais une partie importante est prise en charge par l’entreprise d’IT. C’est effectivement un investissement important mais nous y croyons fortement.

Un parcours consommateur intuitif ; des informations claires et compréhensibles

 

CM : Quelles sont donc les informations auxquelles aura accès le consommateur ?

UA : U-Label est une plateforme basée sur des faits concrets et non une plateforme marketing.

ISR : En scannant le QR code du produit, le consommateur aura accès à 3 types d’informations qui sont obligatoires pour les entreprises participantes : l’image et les caractéristiques du produit, (primordial pour que le consommateur puisse se rendre compte que l’information correspond bien au produit qu’il est en train d’acheter), la déclaration nutritionnelle et la liste d’ingrédients et dans le cas du vin, une information concernant la consommation responsable.

Il aura également accès à des informations additionnelles que les entreprises sont libres de communiquer si elles le veulent comme : les aspects liés au développement durable (sustainability) avec les labels correspondants, d’autres informations sur la consommation responsable, le logo de l’entreprise et un lien vers son site web. Il n’est par contre pas possible de mettre des informations marketing. Le seul espace de branding est le logo

U-Label

U-Label-exemple-Masi-Agricola

U-Label Masi Agricola

 

VIDEO

https://youtu.be/4bLTLvt8VFU

 

U-LABEL : Une initiative d’étiquetage digital prometteuse

 

CM : Combien d’entreprises et de marques ont déjà adopté la solution U-Label ?

ISR : Dans le secteur des vins nous avons déjà plus de 80 entreprises

UA : et dans le secteur des spiritueux, nous avons 30 entreprises et plus de 300 labels

Les-marque-et-entreprises-U-Label

CM : Quels ont été les premières réactions des consommateurs ?

ISR : il est encore un peu tôt pour avoir des retombées car un changement d’étiquette prend entre 2 et 4 mois et cette initiative n’a démarrée qu’en Décembre 2021.

UM : Nous savons que les consommateurs sont tout à fait ouverts à un étiquetage digital. L’expérience que nous leur offrons est une expérience plus riche qui leur permet d’accéder à l’information produit sans devoir aller la chercher sur google.

CM : Si nous voulions reproduire cette solution dans le secteur de l’agro-alimentaire, quels seraient vos conseils ?

ISR : Il est important de comprendre qu’U-Label n’est pas un outil marketing mais un outil destiné à diffuser des informations légales. L’objectif qui doit être poursuivi est de divulguer une information basée sur des faits objectifs, encadrée et harmonisée.

CM : Merci beaucoup Ignacio et Ulrich

 

Conclusion

 

Cette solution U-Label d’étiquetage digital, à mon avis, offre, pour le secteur alimentaire, de nombreuses perspectives intéressantes.

Tout d’abord elle permettrait de « dépolluer » les étiquettes du produit qui aujourd’hui ressemblent un peu à des « arbres de noël » avec leurs multitudes de labels et mentions destinés à rassurer le consommateur.

Ensuite elle permettrait d’apporter des précisions complémentaires à l’étiquette papier : je pense notamment à l’information concernant l’origine du produit et de ses principaux ingrédients, son degré de transformation et les additifs contenus. Comme l’exige le collectif « En vérité »  piloté par Sebastien Loctin ces informations pourraient à terme être rendues obligatoires et une solution digitale harmonisée serait le meilleur support pour les matérialiser.

Enfin cette solution pourrait permettre aux entreprises intéressées d’ajouter des variables qu’elles jugeraient pertinentes comme par exemple les aspects de durabilité, d’impact environnemental avec les labels correspondants ou l’information relative à la traçabilité du produit (pour toutes les marques ayant mis en place une Blockchain alimentaire).

Il s’agit donc bien d’une solution prometteuse pour l’industrie agroalimentaire qui ouvrirait la voie vers plus de transparence.  A suivre…